Notre analyse de la semaine du 31 mars 2025
Réaction à la tempête sur les marchés induite par les droits de douane décidés par POTUS
4/5/20256 min read


Rien ne s’est passé le 31 mars et le 1er avril. Les gens visionnaires et/ou paranoïaques ont vendu le USD et le marché américain. Eux, ils sont en train de baigner dans du champagne à l’heure où nous écrivons ces lignes. Je précise tout de suite : nos bouteilles de champagne n’ont pas été ouvertes, nous avions fait confiance…
Vint le 2 avril (enfin, la nuit du 2 au 3).
On peut ergoter sur le caractère ridicule du calcul, sur le fait que Trump et son administration sont ceci ou cela, mais il faut garder en tête un certain nombre de constantes :
• Trump pense avoir toujours raison. Il ne va pas battre en retraite (sinon, il l’aurait fait le 3 au matin, au pire le 4).
• Contrairement à son premier mandat, il ne semble pas tenir compte des avis externes (notamment de celui du marché).
• Ou alors, il regrette déjà amèrement, mais la règle n°1 ci-dessus s’applique…
De nombreux stratèges disent que ce geste radical visait trois objectifs :
• Faire baisser le USD.
• Inciter des entreprises étrangères à s’installer aux USA, sans devoir payer des incitations fiscales onéreuses comme son prédécesseur, dont l’IRA coûte cher.
• Financer avec des droits de douane (nous détestons le mot « tarifs », repris trop souvent par la presse francophone, mais qui sème la confusion) les baisses d’impôts promises pendant sa campagne.
Regardons ces objectifs à la lumière des deux derniers jours et essayons d’extrapoler, tout en précisant que nous adorons la macroéconomie, mais n’en sommes pas des experts attitrés :
• Le dollar a baissé beaucoup. Mais on peut le lier essentiellement au mouvement de vente significatif (de panique ?) des actifs aux USA, et à la conversion des recettes en devises tiers.
Est-ce que le USD va rester durablement faible, voire baisser davantage pour toucher les 1,20 vs EUR ? Rien n’est moins sûr. Une fois le mouvement de panique calmé, la macro reprend le dessus.
Va-t-il continuer à s’affaiblir ? Nous ne le pensons pas pour des raisons que nous développons ci-dessous.
• C’était le sell-off général aux USA, mais aussi ailleurs dans le monde. Sans vraie différenciation. Donc, en fait, on peut se demander si l’agresseur (les USA, pardon) ou les agressés (l’Asie et l’Europe) sont punis.
Il nous semble que le mouvement de vente était un réflexe de panique, qui consistait essentiellement à sortir des actifs risqués mais liquides (l’equity).
La punition viendra plus tard, quand la fumée se dissipera.
• Tous les analystes font la liste des sociétés qui seront les plus affectées, en faisant abstraction de deux éléments :
Trump ne souhaite pas maintenir ces taux de droits de douane, mais souhaite contraindre les parties « adverses » à des concessions.
De plus, personne ne sait aujourd’hui comment ses « adversaires » réagiront, voire s’allieront contre les USA.
• Nous pensons que le grand perdant sera les USA. Pas depuis le 2 avril, mais bien avant. Cette administration a montré qu’elle ne fait que peu de cas de ses alliés historiques.
Il est vrai que ces alliés ont souvent profité des USA, qui pensaient que le maintien de leur statut de « seule superpuissance » justifiait de financer le confort des alliés.
Toutefois, les alliés ne garderont pas en mémoire les actions des USA depuis le 20 janvier, mais ils se rappelleront toujours que les USA les ont trahis, et avec une condescendance et une brutalité sans égal.
On peut dire que certaines actions des USA étaient bien justifiées. Mais insulter leurs alliés à ce point laissera des traces indélébiles.
Donc, est-ce que l’administration Trump atteindra les objectifs supposés ci-dessus ? Regardons :
Rapatrier des usines industrielles aux USA : Peu probable, car :
Un industriel tenté par un investissement aux US se rendra très vite compte qu’il n’y a pas de main-d’œuvre : taux de chômage au taux frictionnel (ca. 4 %), salaires en dynamique importante, pas justifiée par des gains de productivité (qui se font dans le tertiaire, pas dans l’industrie), et surtout une tension qui se prolongera, compte tenu de l’objectif de cette administration d’expulser les « illegal aliens », qui, contrairement à l’Europe, contribuent de manière significative à l’économie en travaillant.
De plus, il devra se poser des questions sur le caractère erratique des décisions de cette administration.
Finalement, il se demandera légitimement si l’inflation créée par ces droits de douane insensés n’affectera pas ses débouchés ou ses coûts de production. Spoiler : éviter les biens de conso discrétionnaires, ce seront les premiers à trinquer !
Faire baisser le USD : Impossible de manière pérenne !
Revenons à la bonne vieille macroéconomie : s’il y a un déficit, c’est que celui qui le subit dépense plus qu’il ne produit.
Un déficit commercial vient du fait que vous consommez plus que vous ne produisez.
Un déficit budgétaire vient du fait que votre État dépense trop par rapport à ses recettes.
Contrairement au narratif du gouvernement US, ce ne sont pas les autres pays qui ont créé ces déficits. Ce sont les USA.
Rappelons-nous l’élection de Ronald Reagan dans les années 80. Il devait déjà (et a été élu pour) combattre ces fameux « twin deficits ». Il a réussi ! Pourtant, il tourne une video sur les réseaux où il dit tout le bien qu'il pense du protectionnisme et des droits de douane...
Un pays qui a des déficits se met entre les mains de ceux qui les financent (clin d’œil à la France).
Quand on consomme trop, ce sont nos fournisseurs qui ont un excès de notre devise. Ils ont le choix de la garder, voire de l’investir chez nous.
Sous forme de CAPEX physique ou en achetant nos obligations d’État.
Si en plus notre État a des déficits, il faut vraiment qu’ils achètent nos titres de dette.
En faisant cela, ils maintiennent notre devise à un niveau relativement stable par rapport à leur monnaie domestique.
Mais que se passe-t-il si le USD se déprécie (comme Trump le veut) ? Eh bien, nos créanciers seront tentés de ne plus investir chez nous mais plutôt chez eux. Donc, à court terme, ils vendent le USD, et il baisse.
Mais devinez quoi ? Ce n’est pas à cause des actions de ce gouvernement que leur déficit public va s’améliorer !
De son propre aveu, les droits de douane compenseront les diminutions d’impôts à venir (ou à pérenniser). Donc, le déficit de l’État américain restera à un niveau rarement vu.
Mais qui le financera, si les partenaires ont perdu foi en l’Amérique ?
Eh bien, nous n’avons pas la réponse. Ce ne sera pas la population locale, puisqu’elle ne sera pas plus riche. Au mieux, les baisses d’impôts compenseront l’inflation induite par les droits de douane. Mais peut-être pas.
En tout cas, il n’y aura pas de moyen d’augmenter l’épargne aux USA pour financer les T-Bonds. Donc, la Fed devra augmenter les taux pour aider l’État US à financer son déficit budgétaire. Et si les taux augmentent (on ne sait pas ce qui sera nécessaire, mais comme le T-Bond est déjà autour de 400 bps, on peut anticiper que le taux d’équilibre sera bien au-dessus de leur croissance potentielle, créant automatiquement des risques macro), les capitaux étrangers reviendront (à condition d’obtenir des gages permettant de refaire confiance aux US), et repousseront le USD vers le haut.
Par ailleurs… Trump dit qu’un USD faible permettra d’augmenter les exports US.
Mais qui en veut ? Oui, on leur achète de l’énergie, mais on ne va pas augmenter les volumes, ne serait-ce que parce que les cours du pétrole partent à la cave. Et en plus, avec un baril en baisse, des puits US ne seront plus rentables, baissant de facto l’offre US.
Après, acheter leurs voitures (pas assez sophistiquées, consommant trop de jus) ?
Leurs biens d’équipement (pas meilleurs que les allemands ou les italiens) ?
Leurs biens de conso (euh… quel bien de conso est encore produit aux US ???).
Financer ses baisses d’impôts par des droits de douane
C’est drôle, ça me fait penser à la Silicon Valley Bank. Emportée par un simple souci de gestion actif-passif (ALM). On ne finance pas des engagements long terme ou pérennes avec des ressources court terme !
Or, de l’aveu de cette administration (et au vu de son comportement erratique récent), les droits de douane sont un moyen de coercition pour obtenir autre chose. Donc, si jamais ils réussissent, ces droits de douane baisseront, mais les engagements de baisses d’impôts persisteront. Comment, dès lors, les financer à long terme ?
Et même si ces taux persistaient, la consommation de la population US baisserait (puisqu’ils ne savent produire ni des iPhones, ni des bagnoles sympas, ni des frigidaires sur place, voire, même pas tous les médicaments qu'il faut pour garder leur population en bonne santé !).
Et donc, les droits de douane ne seront pas pérennes non plus, alors que les baisses d’impôts le seront…
En gros, et à notre humble avis, la plus grosse boulette d’un gouvernement depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. (Ah bon, elle est récente aussi ? Eh bien, peut-être que nos gouvernants ne sont simplement plus à la hauteur ?)
Notre prochain post essaiera (humblement), d’analyser votre allocation de portefeuille par rapport à ce nouvel ordre mondial.